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Vie des affaires

Cessions de droits sociaux

Cessions d'actions : une SAS contrainte de communiquer ses comptes sociaux à un expert judiciaire

Dans le cadre d'une vente d'actions, l'expert chargé d'évaluer la valeur des droits sociaux peut enjoindre la société de lui adresser les comptes sociaux des 8 derniers exercices dès lors que ces documents sont nécessaires à l'exercice de sa mission et que ni les statuts, ni toute autre convention, n'ont fixé des règles de calcul du prix de cession.

Cession de droits sociaux et fixation du prix par un expert

Les statuts d'une société, un pacte entre ses actionnaires ou encore son règlement intérieur peuvent prévoir des causes ou événements qui obligent un associé à céder ses titres ou en imposent leur rachat par la société.

Ces clauses peuvent alors fixer les conditions précises du calcul du prix de cession ou simplement se contenter d’en indiquer les modalités.

Dans ce dernier cas, si la valeur des parts sociales ou actions n'est ni déterminée, ni déterminable, les parties doivent s'en remettre à un expert en cas de désaccord entre elles (c. civ. art. 1843-4).

Communication à l'expert des pièces nécessaires à l'exercice de sa mission

Un associé sortant contestant le prix de cession. - Dans une affaire soumise à la Cour de cassation, les statuts d'une SAS conditionnent la qualité d’associé à l’exercice d’un mandat social au sein de la société. L’associé qui cesse d’exercer de telles fonctions doit alors céder ses titres.

Le 30 septembre 2015, le directeur général, également associé de cette SAS, démissionne. Une assemblée fixe le prix de cession de ses actions à 73 253,94 euros.

Le cédant conteste ce prix et un expert est désigné en justice afin de déterminer la valeur des droits sociaux.

Une demande de communication des comptes. - Dans le cadre de sa mission, l’expert demande à la SAS de lui communiquer ses comptes sociaux ainsi que ses rapports de gestion au titre des exercices 2014 à 2021.

La société refuse de transmettre ces documents et le cédant l'assigne en référé pour en obtenir la production forcée.

Une obstruction illicite de la part de la société. - Le cédant obtient gain de cause en appel puis devant la Cour de cassation.

La Cour de cassation rappelle que lorsqu'un expert est désigné pour évaluer le montant des actions et que les statuts, ou tout autre contrat liant les parties, n'ont pas fixé les règles de valorisation des droits sociaux, cet expert peut enjoindre la société ou un associé de lui communiquer toute pièce nécessaire à l’exercice de sa mission.

En effet, l’obstruction de la société à la mise en oeuvre de l’expertise ordonnée par une décision définitive constituait une entrave à l’exécution d’une décision de justice, et donc, un trouble manifestement illicite.

Dès lors, le cédant pouvait réclamer, par référé, cette communication face à une situation de blocage empêchant l’expert de réaliser sa mission d’évaluation ordonnée 7 ans auparavant.

À noter. Dans cette affaire, la chambre commerciale de la Cour de cassation a également précisé que le juge des référés est compétent pour enjoindre une partie à produire les documents nécessaires à l'exercice de la mission de l'expert. Or, une décision de la deuxième chambre civile avait jugé, quelque temps plus tôt, que les difficultés rencontrées lors de la mission de l'expert ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés mais de la juridiction ayant désigné l'expert ou chargée du contrôle de son exécution (cass. civ., 3ème ch., 3 octobre 2024, n° 22-15788).

Pour aller plus loin :

« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF Web 2023-2, § 244

« Le mémento de la SA non cotée », RF Web 2023-5, § 1255

« Le mémento de la SARL et de l'EURL », RF Web 2024-1, § 1524

« Le mémento de la SCI », RF 2023-3, § 1479

Cass. com. 27 novembre 2024, n°23-17536