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Testament rédigé dans une langue que ne comprend pas le testateur : validité sous condition

Si un testament est établi par un notaire dans une langue que ne comprend pas le testateur mais avec l’aide d’un interprète, ce document pourra rester valable comme testament international sous condition.

L’affaire : un testament authentique non valide

Dans cette affaire, un testament authentique a été annulé pour non-respect des formes (le notaire ayant fait intervenir un interprète antérieurement au 18 février 2015, date d’entrée en vigueur de la loi 2015-177 du 16 février 2015 autorisant le recours à un interprète ; c. civ. art. 972, al. 4).

Il s’agissait du testament authentique d’un testateur de nationalité italienne reçu en français, le 17 novembre 2002, par un notaire en présence de deux témoins et avec le concours d’une interprète de langue italienne.

Or, l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international répondant à des exigences formelles plus simples. Utilisé dans de nombreux pays, quel que soit la nationalité et le domicile du testateur ou le lieu de situation des biens légués, le testament international doit respecter les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973.

Considérant que ces dernières avaient respectées, les juges d’appel ont validé l’acte comme testament international.

Un contentieux est alors né sur la question de savoir si les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 avaient bien été accomplies. Selon l’article 3, § 3 de la loi uniforme sur la forme du testament international annexée à la convention de Washington, le testament international peut être écrit en une langue quelconque à la main ou par un autre procédé. Selon l’article 4, § 1 du même texte, le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu.

Pour la Cour de cassation, s’il résulte de ces textes qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète (cass. civ., 1re ch., 2 mars 2022, n° 20-21068).

Par suite, le testament a été déclaré nul.

Pourtant, sur renvoi, la Cour d’appel de Lyon a validé le testament aux motifs suivants (CA Lyon 21 mars 2023, n° 22-02394) :

-il est admis au sens de la convention de Washington et de la loi uniforme qu’un testament peut être écrit en une langue quelconque et aucune autre disposition de ladite convention ou de la loi uniforme ne prévoit que le testament doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend, la présence d’un interprète permettant précisément de remédier aux difficultés de compréhension du testateur ;

-si en application de l’article 5 de la convention, les conditions requises pour être interprète d’un testament international sont régies par la loi interne en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée (loi française en l’espèce), il convient de relever qu’à la date d’établissement du testament litigieux (le 17 avril 2002), aucune disposition de droit interne n’encadrait le recours à un interprète mais aucune ne l’interdisait non plus.

Son sauvetage comme testament international sous condition

La résistance de la cour d’appel a alors conduit la Cour de cassation à examiner cette affaire en Assemblée plénière.

La Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence et admet désormais qu’un testament international puisse être écrit dans une langue que ne comprend pas le testateur. Toutefois, la Cour pose une condition : la loi dont dépend le notaire en charge d’établir le testament doit autoriser le recours à un interprète.

Si, en France, la loi 2015-177 du 16 février 2015 a autorisé le recours à un interprète, cette évolution qui vise le testament par acte authentique :

-ne concerne que les testaments établis à partir du 18 février 2015 ;

-et pose comme condition que l’interprète soit inscrit sur une liste d’expert judiciaire.

Or, dans cette affaire, le testament avait rédigé par un notaire français avant le 18 février 2015, avec l’aide d’un interprète et celui-ci n’avait pas la qualité d’expert judiciaire.

Dès lors, le testament ne pouvait être sauvé : il n’était valide ni comme testament authentique ni comme testament international.

Pour aller plus loin :

« Donations et successions », RF 2023-6, § 1367

Cass. civ., ass. Plén., 17 janvier 2025, n° 23-18823

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Date: 22/01/2025

Url: https://bouchahdane.fr/breves/54822.html?format=print